Force est d’admettre d’entrée de jeu que les projets qui s’inscrivent concrètement dans un espace géographique défini (usines de transformations, mines, routes, centres commerciaux, ports…) ont tous des incidences environnementales et sociales. Leurs promoteurs utilisent et transforment un milieu, de la matière et de l’énergie. Ils interviennent dans le fonctionnement des systèmes écologiques et sociaux. Ils altèrent ou modifient les relations tant affectives et sensorielles que fonctionnelles que les personnes, les groupes sociaux et les êtres vivants en général ont sur le territoire touché.
S’il y a toujours des incidences, celles-ci ne sont pas toutes aussi importantes les unes que les autres et les plus notables méritent qu’on leur porte une attention particulière. L’évaluation qui en est faite est empreinte d’une part, d’une bien relative objectivité que porte l’expert qui évalue les incidences, et d’autre part, d’une dominante subjectivité que porte le public touché ou intéressé.
Les incidences seront d’autant plus notables :
- que les effets du projet sur l’environnement ou la société seront grands;
- que les valeurs des indicateurs retenus pour les apprécier seront supérieures aux normes définies juridiquement ou administrativement, et aux cibles reconnues scientifiquement (recherche fondamentale ou appliquée); et
- que le public y verra une agression démesurée pour certains individus, pour la société ou pour l’environnement au point d’investir temps et argent dans la cause, de se mobiliser pour manifester et débattre de ses appréhensions et même pour montrer son opposition, plaidant que le projet ne reçoit pas l’assentiment citoyen, que le promoteur ne peut en démontrer l’acceptabilité sociale.
Ainsi, une analyse adéquate des incidences d’un projet demande l’adoption à la fois d’une démarche scientifique et sociopolitique. La démarche scientifique implique l’expert dont le jugement se fonde sur le diagnostic de terrain, la prise en compte des données disponibles (y compris l’information détenue par les communautés locales et des groupes culturels particuliers) et l’examen de la connaissance scientifique produite par les chercheurs ou acquise dans le cadre de projets similaires. La démarche socio-politique implique un public hétérogène aux valeurs et objectifs diversifiés. Cela demande de stimuler la participation du public et requiert de lui donner accès à une information pertinente, facilement accessible et compréhensible. Enfin, il faut des espaces propices au débat public, suivre des règles justes et équitables pour tous les partis ainsi que rendre compte de la contribution du public à la prise de décision.
Il est reconnu que le public doit être impliqué à chacune des étapes d’un projet depuis sa conception jusqu’à l’exploitation, voire même jusqu’à sa fin de vie. Ce principe de bonne pratique fait progressivement son chemin et il est maintenant assez courant que le public soit consulté tout au long du développement d’un projet. Cependant, c’est au moment de la consultation pré-décisionnelle qu’une tierce-partie recherche l’avis du public et constate les résultats de la démarche d’implication citoyenne appliquée par le promoteur du projet. Ainsi, le promoteur et le public se retrouvent trop souvent en confrontation lors d’un débat, d’une enquête, d’une audience, d’une médiation…, autant d’espaces juridiquement définis.
Ce positionnement soulève deux questions de nature procédurale qui semblent importantes :
- Quelles sont les conditions qui favorisent ou limitent la participation du public?
- Quelles sont les conditions pour l’établissement d’un dialogue réussi entre les parties?
Ces questions méritent d’être posées régulièrement de façon à favoriser l’adoption d’une part, d’un climat de confiance envers les processus consultatifs, et d’autre part, de règles et de principes qui rendent la procédure toujours plus accessible, juste et équitable pour tous et qui tendent à corriger la forte asymétrie qui existe dans la distribution du pouvoir entre les parties.